Commande publique, biens de retour et sociétés : Derrière le coup de massue, une aubaine stratégique pour les concessionnaires ?
Le lien entre la commande publique, spécifiquement les contrats de concessions et les biens de retour déchaîne les praticiens et passionne la doctrine. Par sa décision du 17 juillet 2025, le Conseil d’État apporte d’importantes précisions sur ce sujet.
Les faits
L’affaire qui nous occupe démarre à la fin d’un contrat de concession.
La société Jean Metz, concessionnaire d’un casino, concédé par la commune de Berck-sur-Mer, est détenue à 99 % par le groupe Partouche, également propriétaire du bâtiment abritant le casino.
Le contrat arrivé à son terme, lorsque la commune de Berck sur Mer lance une nouvelle procédure de mise en concurrence, le règlement de la consultation impose aux candidats de justifier de la disponibilité d’un local permettant d’accueillir le casino.
La société du Grand Casino de Dinant répond mais n’obtient pas la concession.
Elle décide de contester. Selon elle, le bâtiment en question est un bien de retour. Il n’appartient donc plus, en fin de contrat, à une entité du groupe Partouche, mais à la commune.
Cet argument est imparable : si le local appartient déjà à la personne publique, il ne peut être exigé des candidats qu’ils en justifient la disponibilité.
La décision
Par la décision du 17 juillet 2025, le Conseil d’État donne raison à la société du Grand Casino de Dinant.
Pourtant, la situation des concessionnaires était déjà difficile :
– les biens de retour totalement amortis reviennent gratuitement à la personne publique, sans indemnité.
– S’ils ne sont pas totalement amortis, l’indemnisation des concessionnaires ne porte que sur leur valeur nette comptable, souvent dérisoire (par exemple : une voiture valant 25.000€ sur le marché peut avoir une valeur nette comptable de 1.000€).
A première vue, la décision du Conseil d’État du 17 juillet 2025 (n°503317) semble enfoncer le clou :
– Elle affirme que ces règles s’appliquent même lorsque le bien n’appartient pas au concessionnaire…
– … s’il est détenu par une société avec laquelle existent des liens capitalistiques ou décisionnels forts.
Autrement dit : si une société A (propriétaire du bien) est sous influence ou contrôle commun avec le concessionnaire B,
et que le bien est exclusivement destiné au service public, le retour gratuit à l’autorité concédante s’applique comme si le bien appartenait au concessionnaire lui-même.
Les suites de la décision
À bien y lire, le Conseil d’État dessine en creux une échappatoire qui n’est peut-être pas nouvelle mais qui n’a jamais été indiquée si clairement.
Si les biens sont loués, mis à disposition, ou détenus via une structure tierce au contrat sans lien capitalistique ou décisionnel fort (la fameuse influence !), le retour (gratuit) ne s’applique pas.
Un vrai coup stratégique, qui permettrait aux concessionnaires de :
– Sécuriser leurs actifs,
– Éviter un retour gratuit.
À condition de bien jouer la partie — gouvernance, détention, structuration.
En d’autres termes : organiser sa détention d’actifs autrement (location, contrat de bail bail, sociétés tierces, démembrement capitalistique) … pourrait sauver des millions d’euros en fin de concession.
À une condition toutefois de maîtriser le droit public… aussi bien que le droit des sociétés.
CE, 17 juillet 2025, Commune de Berck sur Mer, n°503517.
Note rédigée par Tarik BACHIR, Avocat associé.
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