En avril 2014, une manageuse de l’entreprise Petit Bateau publie sur son compte Facebook une photo de la nouvelle collection printemps-été 2015 de Petit Bateau. Ce manquement à son obligation contractuelle de confidentialité entraînera son licenciement pour faute grave.
La lettre de licenciement soulignait que la salariée avait ainsi risqué de dévoiler la future collection à la concurrence et d’altérer les campagnes de communication de l’entreprise. La lettre rappelait en effet que la salariée comptait parmi ses amis Facebook plusieurs professionnels de la mode employés par des sociétés concurrentes comme H&M, Zalando, Jacadi et Kenzo.
La salariée décide cependant de contester son licenciement. Elle estime que son employeur aurait utilisé un procédé déloyal pour accéder à sa page personnelle Facebook, et qu’elle était donc victime d’une intrusion illicite dans sa vie privée.
Après avoir étudié son dossier, la cour d’appel de Paris constate que parmi ses « amis » Facebook figurent plusieurs professionnels de la mode travaillant dans des entreprises concurrentes. C’est d’ailleurs une des « amies » de la salariée, une collègue également employée par Petit Bateau, qui a prévenu sa hiérarchie de la diffusion de la photographie. La cour d’appel de Paris juge donc que l’employeur n’a pas eu recours à un procédé déloyal.
Confidentialité et vie privée
La salariée forme alors un pourvoi devant la Cour de cassation, mais la décision sera prise de rejeter son pourvoi (arrêt n°779 du 30 septembre 2020). La Cour de cassation reconnaît d’abord que l’employeur n’était pas autorisé à accéder à une photographie extraite du compte Facebook privé de sa salariée, ni à la liste de ses « amis » avec qui la publication était partagée. Cela constituait en soi une atteinte à la vie privée de la salariée.
Néanmoins, la Cour de cassation estime que le droit à la preuve peut justifier de tels éléments, à condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi.
La Cour de cassation juge que ces conditions étaient réunies dans la mesure où l’employeur défendait ses intérêts légitimes : la confidentialité de ses affaires était en jeu. Par ailleurs, l’employeur n’a procédé à un constat d’huissier que pour contrecarrer la contestation de la salariée quant à l’identité du titulaire du compte. Au sujet de la loyauté de la preuve, la Cour de cassation considère que l’employeur n’a pas eu recours à un procédé déloyal dans la mesure où c’est une autre salariée de l’entreprise, autorisée à accéder au contenu car « amie » Facebook de la salariée, qui a communiqué spontanément la publication litigieuse à Petit Bateau.
Cette décision de la Cour de cassation indique que la production d’informations extraites du compte Facebook d’un salarié n’est pas forcément illicite.
Droit à la preuve : les limites
Rappelons qu’aux prud’hommes, la preuve est libre. Les parties peuvent donc présenter tout élément considéré comme utile, à charge pour le juge d’en estimer la portée.
Toutefois, cette liberté comporte des limites. L’employeur peut de manière tout à fait licite s’appuyer sur des échanges tenus sur Facebook entre deux salariés, si le salarié a laissé ouvert son compte Facebook sur son ordinateur professionnel (CA Toulouse, 2 février 2018 n° 16/04882).
En revanche, il est considéré comme déloyal pour un employeur d’obtenir des informations figurant sur le compte Facebook d’un employé au moyen du téléphone d’un autre employé autorisé à y accéder, même si c’est un téléphone professionnel et que les informations ont été extraites via un constat d’huissier (Cass. soc., 20 décembre 2017 n° 16-19.609).
L’employeur s’expose alors au paiement de dommages et intérêts au titre de l’atteinte de la vie privée.
Ainsi, même si un mur Facebook est paramétré comme « privé », il ne fait pas office de rempart infranchissable en cas de violation d’obligations professionnelles (telles que l’obligation de loyauté ou l’obligation de confidentialité).
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